22. Octobre 2020

La logistique urbaine en Suisse: où en sommes-nous à l’heure actuelle?

Michael Hauenstein Autor: Michael Hauenstein
Kategorie: Durabilité, Logistique express

Thomas Schmid, de la société Rapp Trans AG, s'occupe de logistique urbaine en Suisse depuis plusieurs années. Pour la Conférence des villes pour la mobilité, il a mené une étude qui présente ce que l'on entend par « logistique urbaine » ou « city logistics ». Cette étude présente également les champs d'action conceptuels, de planification et de réglementation pour les villes et les communes d'agglomération. Vous vous demandez quels sont les défis qui attendent les services de messagerie proposant des livraisons express dans les centres-villes et quelles sont les solutions possibles ? Vous en apprendrez plus sur ce thème dans l’entretien ci-dessous.

 

La circulation automobile augmente depuis des années et avec elle le nombre d'heures d’embouteillages. En même temps, la circulation des véhicules à moteur dans les villes fait l’objet d’un nombre croissant de restrictions. Pour de nombreuses entreprises de logistique, cela signifie que les livraisons dans les villes prennent plus de temps et deviennent plus coûteuses. Quelles sont les solutions possibles ?

On le sait, les zones de circulation sont limitées et les nombreux utilisateurs différents se disputent la marchandise rare que sont devenues les routes et les zones de chargement et de déchargement. Toutefois, il ne s'agit ici que d'un problème d'heure de pointe, l’heure de pointe du soir, où la circulation simultanée liée aux activités de loisirs, aux courses et aux pendulaires étant particulièrement critique à cet égard. Pour les prestataires de services de messagerie et de courrier express, dont le service contient une promesse en termes de temps, la fiabilité et la prévisibilité limitées sont naturellement particulièrement problématiques. Les approches que les peuvent adopter pour faire face à cette situation sont multiples. Tout d'abord, ils peuvent essayer d'éviter les périodes d’embouteillage en obtenant le report de l’heure de livraison souhaitée par le client à une période moins chargée par application d’un supplément pour embouteillage ou « peak pricing ». Les transporteurs de marchandises générales facturent des suppléments pour embouteillage depuis quelques années maintenant, et les fournisseurs de services logistiques doivent répercuter la hausse des coûts sur les utilisateurs s'ils veulent fournir leurs services à un niveau couvrant leurs coûts et ne pas les subventionner par l'intermédiaire d'autres opérations. Cette approche n'est bien sûr pas très intéressante, car elle exige un peu de courage et une certaine confiance en soi. En même temps, on sait que les clients sont très sensibles aux prix et qu'il y a un risque de perdre un client au profit de la concurrence. En second lieu, on peut tenter de transférer le transport vers des moyens de transport plus fiables. Le modèle swissconnect en est un exemple. Il montre comment les avantages d'un transport public cadencé et fiable entre les centres-villes peuvent être exploités conjointement à des coursiers à vélo à même de se déplacer avec facilité sur le dernier kilomètre des centres-villes. Troisièmement, des investissements peuvent être réalisés pour améliorer de nombreux autres éléments de la chaîne logistique, par exemple la formation du personnel tant au niveau du plan de travail que des coursiers, les systèmes d'information et de communication, etc.

Thomas Schmid, consultant en matière de circulation et de transport chez Rapp Trans AG

Les véhicules de messagerie motorisés sont souvent bloqués dans des embouteillages. A cela s’ajoute que les coursiers ne trouvent pas de place adéquate dans les centres-villes pour parquer leur voiture / camionnette pendant qu'ils enlèvent ou livrent les marchandises. Comment les choses devraient-elles se présenter à l’avenir?

Idéalement, le chargement et le déchargement des véhicules de logistique urbaine devraient se faire sur sol privé. Les surfaces pour ce faire ne sont pas prévues sur le sol public. En principe, l'article 37 de la loi sur la circulation routière LCR prévoit même la possibilité de procéder à la manutention des marchandises sur la chaussée si les véhicules ne peuvent pas s'arrêter hors de la route ou à l’écart de la circulation. Cela fait que, pour la livraison et l’enlèvement de marchandises tant pour les particuliers que pour les dans les zones urbaines, il n’existe pas d’arrêts ou d’interfaces de transfert. En outre, les clients continuent de demander une livraison à leur porte et, tant que les prestataires de services pourront se permettre de maintenir des services de livraison parallèles et redondants, la situation sur le dernier kilomètre ne changera pas, les nombreux véhicules de livraison des prestataires les plus divers devant se partager les zones de manutention des marchandises existantes.

Toutefois, à l'avenir, on parlera davantage de solutions ad hoc auprès d’hôtes logistiques - le modèle d'agence de la Poste dans les points de vente en fait partie -, de stations de collecte et d'enlèvement ouvertes et indépendantes - voir le projet subventionné par COMO pour la Smart Station à Bâle - et de micro-hubs (points de transbordement de marchandises) à partir desquels les quartiers et les zones résidentielles sont desservis.

Les 23 plus grandes villes suisses disposent de coursiers à vélo basés localement. Quel rôle jouent-ils dans la logistique urbaine ?

Les coursiers à vélo proviennent du secteur des messageries, où il ‘agit de transporter des envois urgents. La question de savoir dans quelle mesure les coursiers à vélo peuvent également être utilisés pour transporter des colis et des marchandises générales sur des vélos cargos est ouverte. Rikscha-Taxi ou Notime poursuivent une stratégie de ce genre et l'augmentation du volume des colis pendant le confinement dû au coronavirus a montré aux prestataires de livraison les limites du vélo. Pour le transport de 100 colis par exemple, le vélo cargo est le bon moyen de transport si ces 100 colis ne doivent pas être groupés mais transportés individuellement, ce qui n'est guère faisable d'un point de vue économique. Il convient de signaler l’intérêt, d’une part des modèles de coopération horizontale entre prestataires de services logistiques qui ne souhaitent plus prendre en charge eux-mêmes le dernier kilomètre, et, d’autre part, des nouveaux modèles de logistique de quartier, dans le cadre desquels des coursiers à vélo se concentrent sur le dernier kilomètre et la livraison à domicile dans les quartiers. Le facteur décisif est la stratégie et le modèle commercial économique du service logistique, et non pas le seul moyen de transport utilisé. Si les coursiers à vélo veulent jouer un rôle dans la future logistique urbaine, ils doivent également réfléchir à leur rôle aux « arrêts » et aux « interfaces de transfert », à leurs partenaires de collaboration et aux conditions cadres légales qui doivent être modifiées.

A côté des marchandises physiques, ce sont en même temps aussi des données qui sont transportées. Par exemple, les clients veulent savoir quand leurs marchandises seront livrées et les entreprises de messagerie veulent planifier efficacement la distribution de leurs expéditions. Quel rôle jouent une logiciel de logistique central dans la gestion des expéditions dans les différentes villes?

Le contrôle et la disponibilité des informations tout au long de la chaîne logistique revêtent une importance cruciale. Les données mènent à l'information et l'information à la connaissance. Celui qui est en avance dans ce domaine peut gérer des réseaux, intégrer des partenaires et maintenir l'interface avec le client. Cependant, à mon avis, il n'est pas nécessaire qu'une instance souveraine développe et exploite un logiciel de logistique central. Ce qui est important, c'est que tous les acteurs de la chaîne logistique s'accordent sur des normes d'échange d'informations en vue de maintenir une concurrence saine et équitable et d’assurer la possibilité d'une collaboration horizontale et verticale.

Les hubs logistiques sont utilisés pour le transbordement de marchandises. Quelle est leur importance pour le bon fonctionnement du système logistique urbain et existe-t-il suffisamment de zones de transbordement de ce type à proximité des villes?

Nous faisons la distinction entre différents types de hubs logistiques. Du hub urbain accessible par le rail au-delà de la zone embouteillages au micro-hub en passant par le hub de quartier. Ils sont très importants pour le regroupement des flux de marchandises, pour le transbordement entre moyens de transport et pour l'utilisation appropriée des moyens de transport. La plupart des grands prestataires de services logistiques se consacrent de façon intensive depuis des années au développement stratégique de leurs réseaux et de leurs hubs logistiques, et ils investissent beaucoup d'argent dans ces installations. Les superficies permettant le maintien des installations existantes dans les zones urbaines sont soumises à une pression énorme et il est encore plus difficile de trouver de nouvelles superficies. Cependant, la plupart des cantons et des villes de Suisse ont maintenant compris qu'il est temps d’agir et que la politique d’expulsion des sites logistiques hors de la ville, qui a été pratiquée jusqu'à présent, ne doit pas être poursuivie.

À quoi ressemblera la logistique urbaine en Suisse dans 5 à 7 ans?

Elle sera encore plus interconnectée, plus coopérative et plus écologique qu'aujourd'hui. J'espère que les solutions développées pendant le confinement dû au coronavirus nous donneront un nouvel élan et indiqueront la voie à suivre pour une logistique urbaine intelligente. J'espère que la logistique urbaine sera encore davantage reconnue comme un domaine d'activité commun de l’économie et des pouvoirs publics et que de nouvelles solutions seront expérimentées et mises en œuvre.

Thomas Schmid est consultant en matière de circulation et de transport chez Rapp Trans AG. Rapp Trans est l'un des principaux cabinets de conseil internationaux dans le domaine de la « mobilité, de la circulation et des transports ».

Michael Hauenstein
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